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Il me faudra cependant l’assombrir par la considération d’un malaise, d¹un sentiment de gêne et parfois de scandale, quand je vois les synodes de mon église galvauder parfois une faculté si magnifique. Qu’est-ce qui les autorise à émettre des vœux ? Avec quelle puissance, quelle force d’obligation, quelles suites ? Qui parle à qui pour leur faire faire quoi ? Le malaise provient d’une inflation de paroles inutiles, d’une dévaluation des mots même les plus importants. C’est comme un parlement sans pouvoir qui ferait des lois jamais appliquées, et qui prendrait ses voeux pour des réalités. Est-ce encore une parole, ces discours incapables d’entrer en émulsion avec le lourd et complexe cours du monde ? Ces voeux sont-ils représentatifs de quoi que ce soit ? Trop souvent ils sont rédigés par des petits groupes sympathiques mais sans avoir jamais rencontré aucune vraie contradiction. Leur assurance même étouffe la possibilité d’autres voeux.Car j’approuve à deux mains l’idée de « voeu ». Nietzsche écrivait que l’homme est un animal capable de promettre. Et il est bon de rappeler les promesses non tenues. La lutte contre l’esclavage aux USA s’est appuyée sur un vote ultra minoritaire, relu bien plus tard comme un voeu fondateur. Sans cette faculté d¹énoncer les promesses fondatrices, ou de lancer de nouvelles exigences, une société se met en boule, ne prend plus le risque d’être déçue ! Et si une communauté qui multiplie les voeux en vain est malade de vouloir vouloir, une communauté sans voeu est comme impuissante à vouloir ce qu’elle dit, à approuver ce qu’elle fait. Formuler les voeux et les exigences du bonheur est aussi vital pour une société que de formuler les blessures refoulées. C’est pourquoi il m’est apparu nécessaire d’énoncer, comme un voeu sur les voeux, quelques unes des conditions d¹une sorte de charte des vœux :
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Un voeu est toujours la conjonction d’une volonté et d’une voix. Un désir qui n’a pas été précisément formulé n’est pas un voeu. Un énoncé qui n’exprime aucun véritable souhait, n’est pas davantage un voeu.
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Un bon voeu doit comporter la tension entre deux voeux dont la composition représente et formule un désaccord durable, dont on présume qu’il sera fécond. Le meilleur voeu est celui qui représente de la manière la plus simple, la plus complète et la plus élégante un problème dans lequel tout le monde se reconnaît. C’est de cela que naît une voix, un timbre nouveau, un vouloir-dire.
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Ceux qui formulent ce voeu doivent avoir une forme de vie un minimum cohérente avec ce voeu (imaginez un voeu pour une société sans voiture, ou un voeu pour l’accueil des étrangers).
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Ceux qui formulent des voeux doivent manifester l’importance pour eux du voeu formulé en ne multipliant pas les voeux en vain.
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Un bon voeu doit être formulé de manière à pouvoir être réinterprété par d’autres - la génération suivante doit pouvoir éventuellement s’appuyer dessus et porter dans ses flancs la possibilité d’autres voeux. Il ne doit pas stériliser la parole, mais l’encourager.
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Un bon voeu n’est pas législatif, et encre moins créateur de la réalité qu’il souhaite. Il ne fait pas ce qu’il dit - et si vouloir était immédiatement pouvoir, nous serions des anges ou des démons ! C’est seulement une parole, résistible, dont le sens et l’effet sont confiés aux récepteurs.
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Un voeu doit être résiliable, c’est une parole qui comporte les conditions sous lesquelles on peut s’en délier.
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C’est à ces conditions que le voeux auront, non du pouvoir, mais de l’autorité – j’entends la faculté d’autoriser, de libérer la parole et l’action. Et si on les entend ainsi, alors oui l’éthique est peut-être simplement l’art d’entendre et de formuler des voeux
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