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30 mars 2009 1 30 /03 /mars /2009 10:35

           André Breton écrivait dans Arcane 17 : "aimer d'abord, il sera toujours temps, ensuite, de s'interroger sur ce qu'on aime". Puis il décrivait la forme unique que  pouvait prendre la réalisation du rêve auquel il aspirait : "seul le mystérieux, l'improbable, l'unique, le confondant et l'indubitable amour". C'est ainsi qu'il parlait du magique instant de la rencontre. C'est ainsi qu'il parlait aussi pour moi du formidable don de Dieu. En particulier de l'une des formes que prend parfois le don de Dieu : du don foudroyant qui entre, presque avec violence parfois, au plus profond de nos fausses tranquillités et de notre assurance pleine d'orgueil. Un don qui sans cesse peut renommer l'Amour et peut le voir de nouveau paraître évident, incontournable, inévitable même. Ainsi, que le surréalisme nous soit contemporain ou non, on sait qu'il est de fort bon ton de ne plus croire en rien et que toutes les idéologies se meurent. Aimer l'Amour à mort est une folie, aimer l'Amour tout simplement est imbécile : voilà ce que l'on entend, voila ce sur quoi tout est sensé se fonder, se construire. Pourtant je suis certain que nous sommes nombreux qui n'abandonnerons jamais les rêves d'idéal à la chienlit matérialiste et pragmatique. C'est un choix.
         
          Car on parle aussi peu de la folie de l'Évangile qu'on parle peu de sa sagesse. Pourtant, il porte en lui tout autant le pouvoir de dire Non que celui de dire Oui. Et je suis toujours étonné du peu de foi que nous avons en la réalité palpable de l'Évangile hors les frontières de nos Églises. Alors je m'amuse parfois à parler du nihilisme de l'Évangile à de jeunes étudiants en Philosophie ou en Histoire totalement athées. Et je suis toujours saisi de l'intérêt qu'ils portent à la Théologie, des questions qu'ils posent, nombreuses, intelligentes et dénoué de tout manichéisme. J'entends par nihilisme de l'Évangile, la capacité de rupture qu'il porte en lui de par la forme même qu'il donne à la Sagesse, et qui lui est propre. Qui le caractérise, même. Je dis comment le miracle est rupture avec une vision linéaire du Temps, ou avec la logique, la folie, ou la souffrance intérieur due aux remords. Je dis la douleur et l'orgueil qu'un trop faible amour de soi provoque, et je dis le miracle de la douceur de l'Évangile qui chaque jour nous est donnée. Je dis le miracle du pardon, comment il est rupture dans la haine, comment il est re-naissance ou re-connaissance donnée à chacun, à tous. Je dis le miracle simple et proche de nous, toujours présent, maintenant.
          
          En effet, les Hommes s'aiment autant qu'ils se haïssent. Peut-être même plus encore qu'ils se haïssent. Et à défaut de miracle, n'y a-t-il pas là mystère ? Je dis comment rien n'est écrit, et comment l'Évangile instaure le doute dans une société de certitude assassine. Et je cite cet Évangile : "Où est-il le raisonneur de ce siècle ? Dieu n'a-t-il pas frappé de folie la sagesse du monde ?" ou encore : "pleurez avec qui pleure, soyez dans la joie avec qui est dans la joie" ou bien encore : "petit enfant, que personne ne vous égare ; celui qui pratique la justice est juste comme celui-là est juste". Souvent, c'est la surprise qui est au rendez-vous. Des phrases simples et belles, qui même si elles sont parfois sorties de leur contexte littéraire, ne sorte pas du contexte de l'échange verbal en cours à ce moment là. En réalité, c'est la capacité extraordinaire qu'à l'Évangile de surprendre les plus jeunes de nos contemporains qui me surprend le plus souvent moi-même à l'heure où, soi-disant, ceux-ci n'ont que faire du religieux.
         
          Alors nous devons dire comment nous voulons croire en l'impossible. Et comment nous ne voulons croire qu'en l'impossible. Car c'est bien lui, cet impossible, qui est la seule alternative au violent pragmatisme des faux sages qui pullulent. Mais les faux sages, par leur méconnaissance ou l'arrogance qui les ronge, oublient que l'Évangile est source inépuisable de rêves immodérés, démesurés. Il ne faut pas sous-estimer ou avoir peur de cela si l'on veut répondre efficacement au désarroi des plus jeunes. Si nous voulons ne pas esquiver nos responsabilités. Et Pour cela il nous faut leur donner, leur offrir à en brûler soi-même si nécessaire, la parole d'Évangile comme affirmant ces interrogations communes à tous. Ainsi nous leur donnons ce que nous possédons de plus beau. Nous leur offrons le doute qui fait que nous croyons, nous mettons en commun nos désarrois et les leurs. En disant l'ignorance qui fonde notre foi, nous leur disons ce "voile d'ignorance" que nous voulons voir rester comme une assurance de liberté. C'est alors que l'ombre, derrière ce "voile d'ignorance", montre l'incroyable, l'incompréhensible douceur et réconfort qu'apporte la prière silencieuse de l'attente. Et que l'on voit comment partant du nihilisme évangélique, apparaît soudain toute l'évidence de sa sagesse. Et si du désarroi commun peut naître la prière, il peut émerger aussi des rêves d'impossible.

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Proposition

          De la folie d'amour, qu'est-ce qu'on a fait ? Cette fadeur qui nous étouffe et qui nous tue. Il faut que cela cesse. Il nous faut vivre éternellement la grâce et ne plus avoir peur. Toujours être pour l'autre ce que l'on est vraiment. Ne pas dire non, jamais. Et puis s'abandonner, brûler de tous les feux ; à en mourir. Et en mourir. De l'énergie qui en découle créer le beau. Sans concession, s'abandonner à l'autre. Émouvoir la nature au point de la faire suffoquer peut-être.
          Car enfin, pourquoi donc on s'obstine à dire que l'on ne s'aime pas ? C'est quoi ce besoin de pleurer seul, cette peur ? C'est le mystère.
          On meurt des temps figés, des questions inutiles, des engagements faciles. Mais rien n'empêchera jamais les méchants d'être méchants, la bête immonde d’être à certains vitale, le malsain d'être immuable. L'arme absolue ne combat plus que l'innocence et, pacifiés, nous sommes l'agneau face au couteau.
          C'est la mélancolie qui nous sauvera, un jour, tout à la fin, de tout ce miasme incohérent et sans visage, de cette horreur qui fait pleurer, de cette souffrance. C'est de cette paix qu'il nous faut, le coeur attendri de soi-même et des autres, de cet appel où tout s'effondre pour renaître.

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