Car si les Droits de l'Hommes existent, et ils existent, ce n'est jamais éternellement. A ce titre il s'agit bien ici de Droits positifs, c'est à dire de droits inscritsdans les textes, votés. Ce qui signifie en clair qu'il est toujours possible d'inscrire autre chose, de voter autre chose. On le voit bien en ces moments de grande remise en cause de droits pourtant anciens. Du temps des parents de mes parents. Pour cela, les Droits de l'Homme constituent un combat constant, un combat de chaque jour, un combat que je qualifierais de « vigilance ». Du moins tant qu'ils ne seront pas constitués en véritable force de mobilisation autant qu'ils sont constitués en force de proposition. C'est là, il me semble, précisément le rôle de la « Ligue des Droits de l'Homme ». Ce sur quoi elle devrait peut-être travailler.
Un peu partout en France, au lendemain du 21 Avril 2002, cette prise de conscience semblait l'emporter sur le dangereux désir de se faire valoir, sur l'arrivisme régionaliste, sur les ambitions personnelles. Nombreux pourtant étaient ceux qui à défaut d'avoir prévus « l'événement », n'en furent pas surpris, tant était présent dans la campagne électorale, et bien avant elle, une espèce de goût malsain pour le soupçon ou pour la culpabilisation de l'innocence (je parle ici, entre autres choses, de l'étrange façon avec laquelle on accusait à ce point les enfants d'être responsables de tout – rappelez vous les discours d’un Monsieur Chevènement à cette époque, par exemple).
Cela pour dire comment deux hommes, voilà déjà quelques temps, ont été traînés devant les tribunaux pour avoir hébergé, aidé, quelques réfugiés kurdes à Calais. Que risquaient-ils ? Cinq ans d’emprisonnement, rien de moins. Pour avoir aidé son prochain. Les temps sont durs pour l’humanité dépouillée, sobre et simple d’une main tendue, d’un feu qui réchauffe, d’un repas chaud, de gestes faits pour se comprendre, de regards. L’expression juridique correspondante à tout cela étant : aide au séjour irrégulier. Mais tous nous respirons puisque ces deux amis, nos amis, n’ont pas été condamnés mais seulement jugés responsables. Responsables mais non condamnés. Il s’en fallait de peu tout de même.
Replaçons les choses dans leur contexte : voilà maintenant plusieurs années que le centre de Sangatte est fermé. Mais pour autant nombre de réfugiés qui se trouvaient déjà sur place n’ont pas été mis en situation de se sortir du bourbier : pas de logement, pas de moyens de subsistance, pas d’aide médicale hors les associations d’aide aux réfugiés. Au-delà de ces lacunes, somme toute classiques, des liens s’étaient créés, des amitiés peut-être. Il est des conditions qui rapprochent les Hommes. Comment dans ce cas, comme dans tant d’autres, ne pas imaginer l’entraide plus que la dénonciation, le soutien plus que l’indifférence ou la haine. Non, décidément, il n’est pas possible d’imaginer totalement un monde sans amitié, sans amour, sans respect de la dignité humaine.
A quand le prochain appel à manifester de la « Ligue des Droits de l’Homme », à quand un appel à se tenir debout, en silence, pour que les libertés fondamentales ne soient plus égratignées à ce point ?