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9 mai 2009 6 09 /05 /mai /2009 16:04
          Qu’est ce qu’un classique ? c’est quelque chose d’impérissable, d’indémodable, d’assez permanent pour se distinguer d’emblée des variations et s’imposer comme toujours valable. Le classique n’a pas besoin d’être à la mode, il est toujours vivant, comme immédiatement et définitivement contemporain. Par là même, le classique est une mise en forme du monde, qui installe d’emblée l’important, et le distingue du secondaire, du superflu, du futile : le classique établit un ordre, il distingue, il sépare, il n’aime pas trop les flous et les mélanges, il n’aime pas la confusion. Le classique ordonne le monde, et n’hésite pas un instant à établir des hiérarchies et des séparations fondatrices, qui semblent aussitôt presque évidentes et naturelles. Le classique aime ce qui est simple, clair et distinct. Descartes est classique, Corneille est classique, Calvin d’abord était classique.

          On dira que le classique c’est la France : mais ce serait voir midi à notre clocher. Chaque culture a ses formes classiques, ses moments classiques. Ce sont des moments où l’on aime d’abord la clarté, comme dans la philosophie de Kant, où l’on apprend à distinguer les types de discours en fonction des questions auxquelles ils répondent. Ce sont des moments où chacune de nos facultés connaît ses limites, et s’y tient. Ce sont des moments où l’on cherche avant tout la simplicité. Il y a un moment classique dans la culture grecque, de Sophocle à Platon, un moment d’équilibre qui nous semble après coup presque parfait, entre les forces de la nuit et celles du jour. Et la Torah elle même, c’est à dire la Loi, est peut-être ce qu’il y a de classique dans notre ancien testament, par opposition avec les livres prophétiques ou les psaumes, par exemple. Elle aussi elle dit la permanence.

          Or cette permanence est parfois contestée, ébranlée. Il y a des moments dans l’histoire, dans la littérature, dans la société, où l’on n’en peut plus de cet ordre. Des moments où la séparation classique des genres, le tragique d’un côté, le comique de l’autre, la science d’un côté, la foi de l’autre, le masculin et le féminin, etc, nous étouffent. Comme si une réalité plus confuse mais plus réelle tentait de se frayer un chemin. L’apôtre Paul mélange les genres, Augustin mélange les genres, et Shakespeare propose des tragi-comédies qui font voir une condition humaine plus réelle plus complexe, plus bancale. On a même pu dire que toutes les avancées dans la représentation de la réalité étaient dues à de tels mélanges, qui permettaient de voir ce qui jusque là était invisible : que les gens ordinaires pouvaient vivre des tragédies, et pas seulement les grands de ce monde ; qu’une méditation philosophique pouvait porter la supplication d’une prière, et pas seulement la réponse à une interrogation ; et qu’un grand film de fiction pouvait dire plus sur l’épouvante des carnages que les livres d’histoire les plus exacts.

          Mais nous sommes aujourd’hui dans un temps de mélange général des genres. Quand nous regardons la télévision aujourd’hui, nous ne savons plus quand nous avons affaire à un journal d’information, à une fiction, à un documentaire, à une publicité, à un discours politique, ou à une prédication. Nous ne savons pas quel est le contrat implicite, nous perdons les repères. On peut dire cela de presque tout ce qui nous environne. Et même pour les shakespeariens comme moi qui adorons les brouillages, il est un temps où pour qu’il y puisse y avoir de vrais mélanges il faudrait refaire les séparations, les classiques distinctions. Ce temps là semble aujourd’hui venu. Il nous faut retrouver un minimum de classicisme, qui nous permettrait de refaire la différence entre l’important et le secondaire, réintroduire un peu de syntaxe dans les discours, et comprendre de quoi il est question. C’est pourquoi j’ai voulu proposer, par méthode, l’éloge d’un minimum de classicisme.
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Proposition

          De la folie d'amour, qu'est-ce qu'on a fait ? Cette fadeur qui nous étouffe et qui nous tue. Il faut que cela cesse. Il nous faut vivre éternellement la grâce et ne plus avoir peur. Toujours être pour l'autre ce que l'on est vraiment. Ne pas dire non, jamais. Et puis s'abandonner, brûler de tous les feux ; à en mourir. Et en mourir. De l'énergie qui en découle créer le beau. Sans concession, s'abandonner à l'autre. Émouvoir la nature au point de la faire suffoquer peut-être.
          Car enfin, pourquoi donc on s'obstine à dire que l'on ne s'aime pas ? C'est quoi ce besoin de pleurer seul, cette peur ? C'est le mystère.
          On meurt des temps figés, des questions inutiles, des engagements faciles. Mais rien n'empêchera jamais les méchants d'être méchants, la bête immonde d’être à certains vitale, le malsain d'être immuable. L'arme absolue ne combat plus que l'innocence et, pacifiés, nous sommes l'agneau face au couteau.
          C'est la mélancolie qui nous sauvera, un jour, tout à la fin, de tout ce miasme incohérent et sans visage, de cette horreur qui fait pleurer, de cette souffrance. C'est de cette paix qu'il nous faut, le coeur attendri de soi-même et des autres, de cet appel où tout s'effondre pour renaître.

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